Ne faudrait-il pas couper les lierres qui étouffent les arbres ?
Et bien, surtout pas !
Des études récentes ont montré son rôle extrêmement positif pour la forêt. Pendant des décennies, on a fait du Lierre un parasite à détruire, le principal reproche : « il nuit à la croissance des arbres et les étouffe peu à peu… » . Voilà une idée reçue, une fausse croyance qui a la vie dure, et est encore aujourd’hui partagée par de nombreux acteurs sylvicoles, y compris de personnes sensibles à la protection de l’environnement. En fait la réalité est tout autre.
Lorsqu’il grimpe à un arbre, le lierre n’a qu’un objectif, trouver suffisamment de lumière pour mener à bien son développement, le partage de la lumière se fait équitablement. Les arbres en bonne santé ne sont jamais envahis totalement par le Lierre car le développement de leur feuillage au printemps accapare progressivement la lumière et freine d’autant la croissance de la liane. Il n’a rien d’un parasite car il ne tire sa nourriture que du sol. Il suffit d’observer sa croissance sur des poteaux électriques pour comprendre qu’il n’a nullement besoin d’épuiser son support pour survivre et être resplendissant.
Le lierre apporte au milieu une contribution multiple ; il enrichit la biomasse, ou masse végétale brute, apporte fraîcheur et ombrage, offre gîte et couvert à des dizaines d’espèces au point qu’il est l’un des éléments essentiels de la richesse d’un milieu vivant :
- Il agit comme régulateur thermique, protégeant les troncs des arbres des trop grandes et néfastes variations de température.
- Dans les zones périurbaines ou urbaines, la plante joue aussi le rôle de capteur de pollution, débarrassant l’air de particules toxiques, pour le plus grand bénéfice des autres végétaux.
Le lierre recèle une faune si riche qu’il est un des éléments essentiels de la biodiversité, et en abritant et en permettant la reproduction de nombreux insectivores, il joue un rôle fondamental sur la régulation des populations parasitaires :
- l’accueil fait par le Lierre à une foule d’insectes et d’araignées attire les prédateurs ailés mais aussi les chauves-souris (notamment l’Oreillard roux).
- les fruits du Lierre sont une source de nourriture très appréciée par de nombreux oiseaux à une saison où les autres plantes n’ont pas encore fructifié (Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Accenteur mouchet, Merle noir, Verdier d’Europe, Tourterelle turque, Pigeon ramier et bien d’autres…),
- le feuillage dense procure un refuge approprié pour le séjour de la Chouette hulotte ou la reproduction d’autres oiseaux tels que la Mésange à longue queue,
- refuge également pour le séjour hivernal du Citron et du Lérot,
- plusieurs espèces de papillons y pondent leurs œufs ( dont l’Azuré du nerprun en été) afin que les chenilles puissent se délecter des feuilles,
- les fleurs tardives du Lierre sont très appréciées par les abeilles en automne (et donc par les apiculteurs), en leur apportant une ressource utile pour compléter les provisions hivernales !
Le bonheur est donc dans le lierre !
Donc, respectons le Lierre, et défendons le contre les fausses croyances. Il est qualifié parfois de « bourreau des arbres », réputation qui n’est pas méritée (nous l’avons vu plus haut) et qui vient sans doute des croyances des Anciens. De tout temps, l’homme a été prompt à projeter ses propres hantises sur la nature et en ces temps lointains l’apparence et l’essence des choses semblaient se confondre. Rarement plante si commune n’aura inspiré autant de fourvoiement à cet Homme si savant !
Aujourd’hui, en ces temps que l’on dit – hâtivement – délivrés de tout obscurantisme, il est plus que temps de réhabiliter le Lierre, donc surtout ne coupez pas, ne coupez plus le Lierre !
Hubert CRAHAY 2011
guide-nature
Sources :
Au royaume secret du Lierre, Editions de Terran, collection Le Compagnon végétal (vol. 12).
Guide des curieux en forêt, éd. Delachaux et Niestlé, Lausanne – Paris, 2003.
Jean Rommes, Le Lierre, Natagora, 5000 Namur, numéro 4, nov-déc. 2004.